mardi 11 juin 2013

Chemins de la pédagogie à l'école

www.telerama.fr/  Lorraine Rossignol Le 

Montessori, Freinet, Steiner-Waldorf : des méthodes qui ont fait leurs preuves
ENQUÊTE | Les pédagogies Montessori, Freinet et Steiner-Waldorf sont répandues dans le monde entier. Des méthodes alternatives qui abordent l'enfant avec bienveillance.


 A l'école du Colibri dans le Gard, la nature est...
A l'école du Colibri dans le Gard, la nature est omniprésente. © Jean-Marie Huron / Signatures pour Télérama

La pédagogie Montessori

Mise au point par Maria Montessori (1870-1952), première femme médecin d’Italie, cette méthode est la première à considérer l’enfant en tant qu’individu – « chaque enfant est unique » – et repose essentiellement sur l’éducation sensorielle. Particulièrement intéressante appliquée à la petite enfance, elle n’en concerne pas moins des enfants de tous âges : on compte aujourd’hui 22 000 écoles Montessori dans le monde (de la maternelle au lycée), dont quelque soixante-dix en France (soit environ 3 000 élèves), où cette pédagogie connaît un spectaculaire regain d’intérêt (une douzaine de nouvelles écoles créées ces derniers mois).

La pédagogie Steiner-Waldorf

Inspirée des travaux du philosophe autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de l’« anthroposophie » (pensée visant à rapprocher l’homme des « mondes spirituels »), cette pédagogie humaniste accorde une large place aux travaux artistiques, scientifiques et manuels. Elle recentre aussi les enfants sur leur intériorité et leur créativité. Forte de 250 000 élèves dans le monde, la pédagogie Steiner compte vingt écoles et jardins d’enfants en France, soit quelque 2 300 élèves.

La pédagogie Freinet

Originaire des Alpes-Maritimes, l’instituteur Célestin Freinet (1896-1966) construit une pédagogie ouverte sur l’extérieur et centrée sur le travail en coopération des élèves, l’expression libre, les apprentissages concrets. A partir des années 50, elle connaît un rayonnement international, au point que ses méthodes sont aujourd’hui pratiquées d’Amérique latine au Moyen-Orient, en passant par l’Afrique. En France, du fait d’un partenariat avec l’Education nationale (à l’inverse des établissements Montessori et Steiner, privés), le mouvement Freinet touche quelque 5 % des élèves, soit 600 000.

Yourte et méditation

« Quelle planète laisserons-nous à nos enfants, et quels enfants à notre planète ? »Cette phrase de Pierre Rabhi, l’inventeur de l’agroécologie, infuse l’action des deux écoles alternatives qui se sont créées, l’une en 2003, l’autre en 2006, de part et d’autre du Rhône : la Ferme des enfants, fondée par Sophie Rabhi-Bouquet, sa fille, adepte de la pédagogie Montessori ; et l’école du Colibri, conçue par Isabelle Peloux, enseignante depuis trente ans, pédagogue praticienne passionnée.
Dans les deux cas, la nature y est, tout autour, omniprésente. Mais pas comme un joli décor, si beau soit-il : il s’agit bien de vivre ici au rythme des saisons, des plantes et des bêtes, afin non seulement de faire des enfants de futurs adultes concernés par l’environnement et la planète, mais d’ancrer les apprentissages dans le concret de la vie quotidienne, notion clé des pédagogies nouvelles. Dans ces deux petites structures (soixante-cinq enfants pour la première, trente-cinq pour la seconde), les enfants, autant qu’à lire et à compter, apprennent à vivre harmonieusement.
Que ce soit lors des deux rassemblements collectifs quotidiens dans la yourte des Arts, côté Ferme des enfants, ou grâce au quart d’heure de méditation qui commence chaque journée à l’école du Colibri. « Les élèves font l’apprentissage de la citoyenneté et du vivre-ensemble », explique Isabelle Peloux. « Je n’ai pas vu une seule fois cette année des enfants se battre dans l’enceinte de l’école », témoigne Sophie Rabhi-Bouquet, qui a mis au point un système si novateur (par la coopération, l’implication, l’expression libre) que les familles, venues des quatre coins de France, et même d’Europe, l’adoptent souvent elles-mêmes.
Isabelle Peloux, en revanche, garde une main tendue vers l’Education nationale, dont elle forme les futurs enseignants. Là où la première structure accueille notamment des enfants souffrant de phobie scolaire, la seconde remet en confiance des élèves en grande difficulté (15 à 20 % de ses effectifs). En croyant chaque fois à un principe simple : la bienveillance.

Bon élève grâce au vélo

Ici, à la récré, les enfants ont la possibilité de faire du monocycle. Il s'en trouve toujours plusieurs à leur disposition, dans cette école Steiner-Waldorf de la périphérie de Colmar, et il n'est pas rare, comme en cette matinée de printemps, de voir des écoliers s'élancer dans la cour, concentrés sur leur équilibre.
« Des études officielles ont montré que les enfants pratiquant le monocycle avaient de meilleurs résultats scolaires. Parce qu'ils sont obligés, pour rester en selle, de faire le calme à l'intérieur d'eux-mêmes », explique Philippe Pérennes, enseignant en premier cycle.
Tout est dit de cette fameuse « pédagogie Steiner », centrée sur la dimension spirituelle de l'existence et sur la part de créativité que recèle tout individu. A fortiori, les enfants : « On ne sera jamais à la hauteur pour les comprendre. Ils sont des points d'interrogation vivants. » Ici, les manuels scolaires n'existent pas. « Pour permettre aux professeurs d'être de vrais créateurs – ce qui ne les empêche pas, bien sûr, de se documenter. Rien de pire qu'un prof qui rabâche son texte depuis dix ans. Les enfants le sentent aussitôt. »
Chorale, pratique instrumentale, théâtre, sculpture sur bois, couture, jardinage… au cours de leur scolarité (jusqu'à la première, après quoi ceux qui souhaitent passer leur bac doivent réintégrer les circuits traditionnels, ils sont alors le plus souvent de brillants élèves, vifs et curieux), les enfants des écoles Steiner font tous ces apprentissages, en plus d'apprendre à lire, à compter, à écrire, à parler des langues étrangères.
« Un gosse n'est pas seulement une tête. Il faut solliciter tout son être, affirme Guy Chaudon, enseignant. Au professeur de savoir l'appréhender comme une entité, non comme un élément parmi d'autres. »
A lire
La Ferme des enfants, une pédagogie de la bienveillance, de Sophie Rabhi, éd. Actes Sud, 200 p., 22,40 €.

Instruire en famille, de Charlotte Dien, éd. Rue de l'Echiquier, 128 p., 15 €.
Les 10 Plus Gros Mensonges sur l'école à la maison, de Sylvie Martin-Rodriguez, éd. Dangles, 240 p., 20,30 €.
… Et je ne suis jamais allé à l'école, Histoire d'une enfance heureuse, d'André Stern, éd. Actes Sud, 168 p., 22,40 €.
La Fin de l'éducation ? Commencements…, de Jean-Pierre Lepri, éd. L'Instant présent, 142 p., 12 €.
Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Pédagogies et méthodes pour éduquer à la joie, d'Antonella Verdiani, éd. Actes Sud, 180 p., 22 €.
La Source, école de la confiance, de Jeanne Houlon et Philippe Cibois, éd. Fabert, 198 p., 20,30 €.

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