dimanche 21 novembre 2010

"Le massacre des innocents" / Etude pour une peinture

 Témoigner sur le massacre des innocents

 Il est extrêmement difficile d’imaginer et surtout de réaliser ce que signifie réellement un génocide car il est nécessaire d’avoir une vision globale et une pensée synthétique. Aussi, la plupart des gens ne sait pas comment l’appréhender et par conséquent ne peut être que persuadée par autrui. Ce point est le noyau du problème de la reconnaissance. Car comment reconnaître sans connaître ? Même les survivants ne parviennent à connaître que de manière locale, un génocide. Les survivants sont des martyrs et des témoins.

Seulement dans ces deux cas, ils sont rendus muets par la puissance du système qui met en place un véritable génocide de la mémoire. En s’appuyant sur l’absence de mémoire des uns et l’incapacité de se défendre des autres, le système parvient à ses fins.

Vu dans son ensemble, le génocide  est dépourvu de toute considération humaine. Il n’exploite que la bestialité de la guerre comme l’écrivait Leonardo da Vinci. Il n’utilise que la bestialité pour écraser un ennemi créé de toute pièce par l’appareil de propagande.

L’apport de Raphaël Lemkin, c’est d’avoir insisté sur le fait qu’un génocide représente une destruction systématique et que dans cette expression, la caractéristique principale, c’est la systématisation de la destruction, et non la destruction elle-même.

Ainsi même les survivants éprouvent une difficulté à réaliser l’ensemble d'un génocide. Ceci les rend fragiles face aux attaques de l’oubli et de l’indifférence. Sans la robustesse de la connaissance, il est impossible de résister à une argumentation rhétorique.

Comment ? En ne voyant que le massacre des innocents, nous ne pouvons leur venir en aide. Il faut que les "justes" interviennent.

Ce concept "systématisation de la destruction" ? Que signifie-t-il à l’échelle de l’innocent, à l’échelle du survivant ? Il n’a de sens, en réalité, que pour le juste. Car il s’agit d’une abduction créative, selon la terminologie d’Umberto Eco. Pour saisir cette difficulté cognitive, il suffit de se rappeler des propos d’Albert Einstein : aucun chemin ne mène de l’expérience à la théorie. 

Comment, en peinture, donner à voir la théorie du génocide ?

 Le massacre des innocents dans la Bible

Le massacre des innocents est une scène biblique. Il s’agit de l’ordre donné par le roi Hérode, averti de la naissance de Jésus, d’assassiner tous les enfants mâle de moins de deux ans dans le territoire de Bethléem. Ainsi, celui annoncé comme le futur « roi des Juifs » ne pourrait survivre.

Mais… C’était sans compter l’intervention divine ! On peut lire dans l’Evangile selon St Mathieu : « Un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr ».
Ainsi, des innocents furent massacrés par millier. La scène a été maintes fois représentée dans l’histoire de l’art. La plupart du temps, le massacre est dépeint comme une immense panique collective, parfois directement supervisée par Hérode lui-même.

Observez le bas-relief ci-dessous ; l’oeuvre est tout à fait représentative des oeuvres réalisées jusqu’au 17ème siècle sur le thème. On représentait l’événement d’une façon très narrative et grandiloquente. Ici, l’œuvre est même séquentielle : à gauche, Hérode face au massacre des enfants et à droite, Marie, Joseph et Jésus fuyant.



Daniel Schlier, « Massacre des Innocents », 2006, huile sur toile, 150 x 150 cm





– Nicolas Poussin /Le Massacre des Innocents

 

Avec son œuvre, Nicolas Poussin, peintre classique du 17ème siècle, changea la donne. Ici, le massacre n’est plus une scène de foule mais presque une scène « de genre ». C’est un gros plan sur un petit groupe de personnes incarnant le massacre. Un soldat abattant son épée sur un nourrisson d’une main et retenant de l’autre la mère de la jeune victime par les cheveux. A l’arrière plan, une mère paniquée, semblant courir. Et enfin, dans le fond du tableau, pour figurer la masse, deux mères soutenant leur enfant défunt.

Avec ce tableau, Poussin met l’emphase sur la gestuelle et les expressions faciales des individus incarnant le Massacre. Sur un croquis préparatoire, consacré au Musée des Beaux Arts de Lille, on remarque une configuration sensiblement différente : la femme courant en arrière plan devait tenir son enfant dans ses bras plutôt que de s’arracher les cheveux. Un enfant devait joncher le sol, près d’elle. Dans la version finale de son tableau, Poussin ne conserve finalement sur l’avant-scène qu’un seul et unique enfant, symbole du massacre.


Le Massacre des innocents - Cornelis van Haarlem
Lieu d'exposition : Harlem, Frans Hals Museum



Évangile de Matthieu,II, 16-18 (Bible de Jérusalem, p.1679).

Le Massacre des Innocents est un tableau de Guido Reni, réalisé en 1611, représentant le Massacre des Innocents relaté dans l’Évangile selon Matthieu. Huile sur toile de 268 × 170 cm, il est exposé à la Pinacothèque nationale à Bologne. Ce tableau est aujourd’hui peu connu du grand public ; il ne fait pas partie des quelques œuvres que tout le monde a déjà vus en reproduction. Pourtant, du vivant de Guido Reni, il fut considéré comme un chef-d'œuvre.

Cette peinture est une commande de la famille Beró pour l’église Saint-Dominique de Bologne et elle est actuellement conservée à la Pinacothèque de cette même ville. Le sujet éponyme est un événement biblique raconté dans l’Évangile de Matthieu (II, 1-19). Les sages avaient annoncé la naissance à Bethléem du « roi des Juifs » et Hérode l’avait fait chercher ; ses tentatives policières n’ayant rien obtenu, il ordonna la mise à mort de tous les enfants de la ville âgés de moins de deux ans. Le tableau déroule, dans une composition resserrée lisible de haut en bas, les étapes de l’événement : la poursuite d’une mère portant son enfant, le meurtre d’un autre dans les bras de sa mère impuissante, la prière maternelle après le massacre. La concentration des actes représentés assure à l’ensemble de la peinture sa puissance émotionnelle, mais donne le sentiment d’une certaine confusion générale. Cependant, s’attarder sur la composition baroque permet de comprendre que la tension entre le mouvement apparemment désordonné et la construction rigoureuse constitue le fondement d’un pathétique sublime.
Guido Reni 011.jpg
Guido Reni, 1611. huile sur toile. 268 × 170 cm. Pinacothèque nationale



Pieter Bruegel l'Ancien


Pieter Bruegel l'Ancien - détail de son tableau "Le Massacre des Innocents" -- Source en cliquant sur l'image.


La Fête des Saints Innocents

Enfants de moins de 2 ans massacrés pour le Christ par Hérode à Bethléem (1er s.)
C'étaient des tout-petits enfants, ils avaient à peine 2 ans pour les plus âgés. L'âge de la crèche, pas même de la maternelle. Pour leurs pères et leurs mères, ils étaient des merveilles, des enfançons qu'on élève encore contre sa joue et que l'on fait bénir par le premier prophète qui passe. Voulant atteindre le roi d'Israël, ce sont les petits qu'Hérode fait tuer, les premiers accueillis par le Dieu d'Amour qui vient sauver les hommes. Ils sont incapables de parler. Mais aux yeux du Christ, c'est l'existence et non l'âge qui offre la liberté d'entrer dans l'Église.
Petits enfants qui furent massacrés à Bethléem de Judée sur l’ordre du roi impie Hérode, pour que périsse avec eux l’enfant Jésus. Dès les premiers siècles de l’Église, ils ont été honorés comme martyrs, car ils sont les prémices de tous ceux qui devaient verser leur sang pour Dieu et pour l’Agneau de Dieu.

St Augustin dépeint la scène : « Les mères s’arrachaient les cheveux ; elles voulaient cacher leurs petits enfants, mais ces tendres créatures se trahissaient elles-mêmes ; elles ne savaient pas se taire, n’ayant pas appris à craindre. C’était un combat entre la mère et le bourreau ; l’un saisissait violemment sa proie, l’autre la retenait avec effort. La mère disait au bourreau : "Moi, te livrer mon enfant ! Mes entrailles lui ont donné la vie, et tu veux le briser contre la terre !" Une autre mère s’écriait : "Cruel, s’il y a une coupable, c’est moi ! Ou bien épargne mon fils, ou bien tue-moi avec lui !" Une voix se faisait entendre : "Qui cherchez-vous ? Vous tuez une multitude d’enfants pour vous débarrasser d’un seul, et Celui que vous cherchez vous échappe !" Et tandis que les cris des femmes formaient un mélange confus, le sacrifice des petits enfants était agréé du Ciel. »

Jean, dans l'Apocalypse, montre les Saints Innocents entourant le trône de l’Agneau parce qu’ils sont purs, et Le suivant partout où Il va. « Demanderez-vous, dit Bernard de Clairvaux, pour quels mérites ces enfants ont été couronnés de la main de Dieu ? Demandez plutôt à Hérode pour quels crimes ils ont été cruellement massacrés. La bonté du Sauveur sera-t-elle vaincue par la barbarie d’Hérode ? Ce roi impie a pu mettre à mort des enfants innocents, et Jésus-Christ ne pourrait pas donner la vie éternelle à ceux qui ne sont morts qu’à cause de Lui ? Les yeux de l’homme ou de l’ange ne découvrent aucun mérite dans ces tendres créatures ; mais la grâce divine s’est plu à les enrichir. » L’Église a établi leur fête dès le IIe siècle.

Massacre des Innocents, fresque de Giotto di Bondone, Chapelle Scrovegni de Padoue
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