lundi 6 février 2012

Les surréels de Rafael Gomez

Le choc !

Dans la rue Riverin où j'habite, un artisan des métaux, Rafael Gomez, mois après mois, développe une oeuvre artistique radicale. Face aux objets-sculptures, ce terme m'est venu brutalement : "ce sont des surréels !"

La bouteille acrobate. 2012

Pour une cohabitation pacifique de la forme et de l'énergie

Quel est mon mon ressenti ? Au sein de la bouteille habite une énergie. Et, à l'occasion d'un évènement, cette énergie se déploie.

La bouteille pourrait exploser. Par exemple, mettons une bouteille emplie d'eau dans un congélateur tout en laissant le bouchon : l'eau en se transformant en glace augmente de volume. la bouteille éclate.

Ici, la bouteille n'explose pas, car Rafael Gomez aménage des ouvertures régulières. Avec ces ouvertures, la bouteille pourrait se désarticuler. En compagnon attentif, Rafael Gomez fournit des tuteurs en métal.

Ces tuteurs se mettent au service de l'énergie, tout en préservant la forme de la bouteille. Entre la bouteille et l'énergie qui l'habite, l'intervention de Rafael Gomez amène une cohabitation non destructrice.

Rafael Gomez est né à Cuba, puis est venu en Europe à la demande d'une jeune femme amoureuse. Il n'est donc pas un exilé politique. Mais il propose, à travers les objets qu'il fabrique, une méthode du politique.

Nous avons besoin, pour vivre ensemble en société, de créativité collective - l'énergie - et d'institution pour cadrer et réguler - la forme. Sans énergie, la forme s'affaisse, se délite, se désagrège. Sans forme, l'énergie se disperse sur de multiples chemins.

La représentation de la temporalité 

Ce qui rare dans l'art, c'est la représentation du temps qui passe, c'est à dire les évènements qui ponctuent un espace de temps. Ici, dans cette bouteille, sept fois, l'énergie a explosé, sept fois la forme s'est scindé pour aménager une ouverture, sept fois, elle s'est ajoutée des tuteurs pour garder sa forme de bouteille.

Ce qui est réel : c'est la bouteille.

Ce qui, au sens propre, s'ajoutent à la bouteille, s'attachent sur la bouteille, ce sont les tuteurs. Dans un sens plus figuré, on peut dire que les ouvertures s'attachent sur la bouteille : elles ajoutent des espaces de vide. Tuteurs et ouvertures d'énergie viennent sur le réel de la bouteille. Ce sont des sur-réel.

Mais comme la bouteille n'est pas détruite, comme la bouteille gagne en visibilité de son être, comme à son espace elle ajoute le temps, elle se métamorphose en réalité augmentée, en surréel.

Au delà du sur-réalisme

"Surréels" ?  En quoi les surréels se distinguent-t-ils du surréalisme ?

Surréalisme : au delà du réalisme .. Le "réalisme" est une façon de penser le monde, notre rapport au monde. La réalité nous apparait comme des mesures de distance et de consistance par rapport à l'espace, au temps et à la malléabilité des corps.

Le sur-réalisme est une pensée qui s'introduit dans "la pensée réaliste", qui la déborde, qui la convulse. Pour André Breton, "la beauté sera convulsive ou ne sera pas".

La pensée réaliste devient telles ces possédées que Charcot donnait en spectacle.



Phase des contorsions, in Leçons du mardi de la Salpêtrière, policlinique 1887 – 1888 : notes de cours de MM Blin, Charcot et H. Colin. T 1. Paris, Bureaux du progrès médical, Louis Battaille, 1882. p. 72. Numérisation : Bibliothèque interuniversitaire de Médecine, Paris.


Phase des attitudes passionnelles, idem
Pour déborder la pensée réaliste et la convulser, différents procédés sont utilisés :
  • l'obscurité qui fait perdre le sens des distances et des résistances
  • l'automaticité du procédé qui agit à la façon des mailles d'un filet, attrapant sans discriminations n'importe quelle pensée
  • l'association qui combine arbitrairement les pensées ainsi capturées


Le terme qui est passé à la postérité est celui de "cadavre exquis", papier circulant de mains en mains où chacun écrit ce qu'il pense immédiatement, sans rien voir, et sans aucun projet.

 Au premier abord, cette céramique griffue (2011, Rafael Gomez) peut être considérée comme un objet surréaliste. Le corps de la céramique semble se convulser pour faire émerger des griffes. La pensée peut y associer un pouvoir de déplacement autonome, comme une capacité à se défendre contre un geste de prise.





 Paul, dans son avant propos à ... commence par décrire la situation : la nuit, le papier blanc, des yeux ouverts sur des espaces déserts sans références, le tremblement répétitif de l'arrivée des pensées. Ou plutôt des tracés du crayon. Et du dessin ainsi tracé, émerge des ailes, des griffes.



 

























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