A propos de l’œuvre « Ceci n’est pas un corps d’artiste, décision de la Commission professionnelle du 5 septembre 2013 »
J’ai reçu il y a quelque temps un courrier de l’Assurance Maladie qui m’informe de la décision de la Commission professionnelle de la Maison Des Artistes (MDA) de ne pas me considérer comme un artiste auteur et donc ne pas m’affilier aux assurances sociales offertes aux artistes auteurs.
« Les travaux réalisés par Monsieur JACQ correspondants à des structures de la phrase n’entrent pas dans le champ d’application des assurances sociales des artistes auteurs pour les branches des arts graphiques et plastiques ».
J’ai été étonné de l’intérêt de cette Commission à mon cas car je n’avais pas fait de demande d’affiliation. En effet, mes revenus artistiques étaient bien en dessous du seuil qui permet l’affiliation. De plus, étant retraité, mes droits sociaux sont assurés par une longue carrière de salarié. A ma demande d’explication, une employée de la MDA m’expliqua que cette Commission a pour rôle de décider si les activités d’une personne relève ou non des arts plastiques et graphiques.
Ma première réaction a été d’acter cette décision en terme d’identité sociale : « je ne suis plus un artiste auteur graphiste et plasticien ». Cette perte d’identité m’a mis dans un grand désordre intellectuel et émotionnel. On objectera que n’ai pas tenu compte que le jugement portait sur mes travaux et non sur ma personne. Je répondrai que la conséquence de la décision est de ne pas me considérer, au plan des assurances sociales, donc au plan de la maladie et de la vieillesse, comme artiste auteur.
Des pensées contradictoires se sont entrechoquées dans ma tête. C’est pourquoi je vais m’efforcer ici de les formaliser. Également, je dois offrir quelques chemins aux pulsions qui traversent mon corps. Le corps, oui le corps ! Non seulement mon corps qui est objet de prise d’assurances, mais avant tout, nous le verrons, mon corps manifesté dans l’œuvre artistique, et qui a été ignoré par la Commission professionnelle. Cette ignorance est-elle normale, s’agissant de la mise en œuvre de mon corps ?
Lecteur, considérez que la parole qui s’exprime ici ne vient pas seulement d’un cerveau créateur, assisté par sa main, mais d’un corps tout entier dans sa nudité de chair.
Dans mon dossier remis à la Maison des Artistes, la Commission a sélectionné cet objet : « Les travaux correspondants à des structures de la phrase ». Selon elle, cet objet ne rentrerait pas dans le champ d’application des arts plastiques et graphiques.
Reconstituons pas à pas les caractéristiques de cet objet. A la base, il y aurait une entité grammaticale abstraite : « La Phrase ». Dans cette abstraction, il y aurait plusieurs structures, au sens de systèmes multiples de relations. Ceci voudrait dire qu’à coté de la structure classique « sujet-verbe-complément », j’identifierai d’autres structures, d’autres modes de relations, d’autres formes. Chacune de ces structures, relations, formes, ou bien leur combinaison, pourrait donner lieu à un travail spécifique.
A suivre la Commission professionnelle, la « Phrase » ne serait pas un objet légitime des arts graphiques et plastiques. Vous commencez à comprendre mon désarroi. Exclure la « Phrase » aurait pour conséquence que tout travail graphique sur les phrases, les paragraphes, les textes, sortirait du champ des arts graphiques. Il me semble que c’est une exclusion qui serait difficilement compréhensible par les graphistes et les éditeurs qui les emploient. Egalement, elle serait difficilement compréhensible par les plasticiens.
Faire apparaître plusieurs structures relationnelles, « grapher les formes » dans une phrase revient à montrer que plusieurs formes coexistent dans une même totalité. N’est-ce pas là le principe des arts plastiques ? Montrer que dans la même apparence, plusieurs univers formels entrent en résonnance, n’est-ce pas là le principe même de l’art ?
Par ailleurs, le terme « travaux » justifie-t-il mon exclusion ? A une forme, à une pluralité de formes dans une même totalité, j’aurai fait correspondre un travail rémunéré. Mais n’est-ce pas là la règle économique qui assure aux artistes les moyens de vivre ? Et de contribuer par leurs impôts et leurs cotisations à la société ? Selon cette première approche, mon exclusion de la communauté des artistes serait injustifiée.
Pourtant, je le reconnais, nous appartenons à une tradition culturelle qui légitime cette exclusion. Dans cette tradition, l’art se caractérise par le traitement original et unique d’une matière afin d’y faire apparaître des formes. L’art mobilise d’abord la sensibilité, la réceptivité des sens, puis amène progressivement l’imagination à ses plus extrêmes limites. Il y aurait un circuit obligé : d’abord les émotions muettes, puis les sentiment esthétiques, enfin les formulations verbales par lesquelles les goûts ou les dégoûts s’expriment et se partagent. Pour susciter l’émotion initiale, les formes se donnent dans l’immédiateté d’une imbrication mutuelle.
En ce sens, se donner comme domaine « la phrase » revient à se placer hors de l’art. Utiliser les éléments de la phrase pour faire apparaître des relations abstraites détruit le choc émotionnel, et inhibe de facto les sentiments et leur conséquence : le jugement de goût. Le langage ne serait qu’un moyen d’expression abstraite qui conclurait le processus initié par une expérience sensible originaire et primordiale. Considérer le langage comme une « matière à travailler» serait fabriquer une illusion, et usurper la matière originale créée par l’artiste. Par exemple, l'article 1460 du Code Général des Impôts délimite le statut d’ « artiste » de la façon suivante :
« Sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises :
[...]
2° Les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art ; »
Quel est le dénominateur commun à la peinture, la sculpture, la gravure et le dessin ? Dans un forum[1], une graphiste raconte qu’un inspecteur des impôts n’a pas voulu reconnaître son activité comme art. Dans sa lettre de refus, …il qualifie ses travaux comme de l'exécution ou de la création limitée. Par exemple, pour lui, créer un logotype typographique et des cartes de visite n'est que de "l'agencement formel de messages essentiellement écrits [...] dont la part de création se limite au choix de caractères et à leur disposition sur le support". Ce serait sa nature règlementaire qui ôterait au langage la matérialité. Le langage ne serait qu’une combinatoire de formes pré-établies (les caractères), de règles typographiques et de principes de composition. Le design linguistique se limiterait à une action de choix dans les possibilités de la combinaison. Logiquement, c’est dans le design de l’écrit, que se manifesterait de façon la plus exemplaire l’impossibilité d’une dimension artistique.
Pour l’Etat français, comment le langage, et en particulier l’écrit, pourrait-il se prêter à l’art ? Dans le langage, l’activité artistique interviendrait comme subversion des règles par le dessin, l’image, la grande échelle, la symbolisation.
Dans la Circulaire N° DSS/5B/2011/63 du 16 février 2011, il est mentionné que la MDA et la Commission professionnelle - qui a toute compétence pour apprécier le caractère artistique des œuvres, et par là même, la nature de l'activité du futur affilié, aidant la MDA lors de dossiers où il est difficile de se prononcer - considèrent entrant dans le champ d'application des arts graphiques et plastiques les travaux suivants :
- dessins originaux de caractères typographiques,
- conceptions ou compositions de mise en page à partir de textes et d'images,
- conceptions ou compositions graphiques exécutées à grande échelle : murs peints, décorations murales, panneaux décoratifs,
- image de marque, logotypes, dessins symbolisant un personnage, une activité, un service...
- signalétique
Bousculant et subvertissant les règles, l’artiste révèlerait des corporéités, des mouvements, des différentiels, des condensations, des étirements, des non-correspondances, des recouvrements, des pliures, des usures, des vides, des fractures, etc.. imposant une matérialité dynamique, suscitant les émotions et les sentiments, frayant la voie à l’imagination et à l’éducation du goût.
Donc, il est normal et conséquent, en me situant dans la dimension règlementaire du langage, en ne m’attachant qu’aux relations internes d’une entité abstraite close sur elle-même, en refusant le dessin, l’image, la grande échelle, la symbolisation, que je ne sois pas considéré comme un artiste auteur. Je ne peux qu’accepter la décision de la Commission professionnelle.
Si mon intellect donne raison à la Commission, une pulsion en moi proteste. Cette pulsion m’indique que le raisonnement qui oppose « la structure relationnelle du langage » à la « matérialité émotionnelle de l’image symbolique » recèle ce présupposé que le langage est une création d’objets concurrençant les objets existants. Lorsque le langage parle, des objets seraient créés qui auraient immédiatement des propriétés relationnelles, permettant leur décodage immédiat. Ces objets créés inhiberaient la vision et l’appréhension des objets existants, pour les rejeter ou les remodeler. Donc, pour faire apparaître l’existant, il faut commencer par se taire, et se laisser remplir par des sensations et des émotions. Le mode d’apparition des objets déjà créés ne doit rien au langage et à ses structures relationnelles.
Toute phrase peut être ridiculisée dans sa prétention à nier les objets existants afin de promouvoir de nouveaux objets qui n’ont que la consistance d’un nom. Ainsi, lorsque Magritte écrit dans un tableau présentant une pipe la phrase « Ceci n’est pas une pipe », il met en scène une désobéissance. Au moment où la règle rejette au statut de « rien » ce qui serait une pipe, malicieusement le tableau donne à voir une magnifique pipe. La phrase « Ceci n’est pas une pipe » est tournée en dérision.
Magritte ne réplique pas à la phrase négatrice : il se contente de dessiner une forme de pipe courbée de façon élégante, et de disposer les reflets de lumière dans une graduation délicate.
Le paradoxe de la mission Commission professionnelle est de discriminer à l’aide de phrases règlementaires entre les « vrais artistes auteurs » et les « faux artistes auteurs », entre les « vrais œuvres originales et uniques » et les « reproductions mécaniques ». Pour discriminer, la Commission ne peut que construire un jugement que Kant nomme « jugement déterminant »[2]. Il s’agit de trouver dans un dossier des caractéristiques de classement. Soit une personne est « artiste auteur » soit elle est « non artiste non auteur ».
La phrase qui a servi pour me juger est : « Les travaux correspondants à des structures de la phrase ». Cette phrase est en fait une paraphrase du titre d’une œuvre intitulée « Structure de la phrase en français ». Ignorant la existence matérielle de l’oeuvre, la Commission professionnelle a créé un objet à caractériser : « les structures de la phrase ». Pour caractériser l’objet, a ignoré le terme « français », et lui a donné comme prédicat le terme « travaux ».. En escamotant l’œuvre, en installant une continuité entre des activités et un objet abstrait, la Commission a fait de moi un grammairien et donc a jugé légitime mon exclusion hors du champ de l’art.
Donc, les artistes de la Commission s’appuient sur un Art règlementaire qui identifie les œuvres et des artistes en fonction du Code des Impôts et du Code de la Sécurité sociale. Puis-je interroger à haute voix ? Comment des artistes, sur la base d’une reproduction photocopiée d’une œuvre, hors de toute matérialité, sur des indices de contexte de nature comptable, peuvent décider qu’un des leurs n’est pas un artiste ? Comment, au niveau même du principe, peut-on décider qu’un artiste n’est ni un plasticien ni un graphiste sans entendre sa parole ? N’est-ce pas ramener la personne au statut d’objet passif ? N’est-ce pas ignorer l’indétermination de sa personne, sa capacité d’être libre ? De plus, pour mener cette opération d’exclusion, il a fallu le simulacre d’une demande que j’aurai faite, d’affiliation aux Assurances sociales de l’artiste auteur.
Mais la responsabilité est de mon coté : dans mon dossier « rien n’était beau ». En plus, j’ai donné à une juxtaposition photocopiée d’images un titre énigmatique. Le terme « juxtaposition » est important. Un bel objet résiste à la détermination, il ne laisse pas attribuer facilement un prédicat. Or, une partie de l’œuvre s’est laissée facilement caractérisée comme « exercices grammaticaux ». Du coup, l’autre partie de l’œuvre, celle qui manifestait un corps a été ignorée.
En quoi consiste cette juxtaposition qui amène à transformer mon identité d’artiste en non-artiste, par cette phrase qui a due être dite : « Ce qu’on voit n’est pas la production d’un artiste ». Plus précisément, puisque il s’agit d’assurances par rapport au devenir du corps, quelle est cette juxtaposition qui a suscité ce jugement « Ceci ne vient pas d’un corps à assurer en tant que corps d’artiste » ? Plus exactement, quelle est cette œuvre qui, par l’autorité de l’Etat français, fait résonner en elle ce jugement impératif « Ceci n’est pas un corps d’artiste, décision de la Commission professionnelle du 5 septembre 2013 » ?
Rétrospectivement, je m’interroge. L’œuvre a-t-elle développé une vie propre ? Aurait-elle la structure d’un piège du sujet. Par sa juxtaposition et son titre, l’œuvre aurait-elle instrumentalisée une structure « la Maison des artistes » pour énoncer une « phrase » qui décide « en français » d’une identité ? A-t-elle condamné son réalisateur à n’être considéré artiste qu’en étant un étranger à la France ? Je m’aperçois qu’au contraire de ce que dit Kant, je ne peux pas me contenter de me réfléchir moi-même. Il me faut entrer dans l’œuvre. Cependant, je me donnerai comme précaution de rechercher constamment des prédicats qui s’opposent.
L’œuvre « structure de la phrase en français » consiste en la juxtaposition d’une grande tache d’encre de chine sur du papier de riz et d’une phrase de Marcel Proust, répétée dans des états successifs de transformation. Ces états successifs sont l’ajout de propositions relatives à une phrase initiale « Nous vivons enchaînés à un être d’un règne différent : notre corps » par les moyens d’une négation (ne.. pas) et de pronoms relatifs (qui, que, duquel, dont..). Le titre de l’œuvre semble donc désigner la manifestation de la structure d’une phrase de Proust, structure dont les relations pourraient se décrire comme « un noyau d’où émergent des branches » et « une branche qui émerge d’une branche, à l’endroit d’un œil[3] ». Au terme de cette émergence, arrive la maladie, comme présence en nous d’une altérité étrangère : notre corps.
La symbolique de l’arborescence manifeste la force de la Vie. Pourtant, dans son contenu signifié, Proust y rappelle la dimension de la peine, provoquée par ce Corps étranger auquel nous sommes enchainés. Si la Vie fait de nous un corps malade, il ne nous reste comme plaisir qu’à déployer, suggère Proust, une Arborescence d’impossibilités.
Est juxtaposée à la mise en arborescence de la phrase de Proust, une empreinte à l’encre de chine sur du papier de riz. Ce corps ne dit pas qu’il est chinois. Il est là, comme non français, et cela qualifie automatiquement la phrase de Proust comme française. L’expression « en français » du titre trouve ici un emploi. Serait française la phrase de Proust, et chinoise l’empreinte. Cette empreinte à la façon chinoise n’illustre-t-elle pas ce que dit le texte de Proust : à coté de chacun, nous sommes accompagné d’un corps d’un règne différent qui n’entend et ne comprend rien de notre parole. C’est une réponse trop hâtive.
Celle ou celui qui regarde l’encre de chine imprégnant le papier de riz, s’interroge : est-ce l’empreinte d’un végétal ou d’un animal fossilisé ? Sont-ce des singuliers coups de pinceau où se démontre l’art d’un peintre chinois ? Mais certains indices laisse supposer les marques différentielles de la frappe d’un corps : la poitrine, le ventre, le bas ventre, les cuisses. Ce qui reste de ce corps est sans forme. Est-ce une forme humaine : il y manque la tête, les bras, les mains, les jambes, les pieds ? Cette empreinte n’est pas une anthropomorphie à façon d’Yves Klein, c’est une anthropo-amorphie. Cependant, ces parties du corps pourraient évoquer l’anatomie féminine. Le corps qui frappe est-il masculin ou féminin ? Aucun indice d’un sexe n’est visible à l’emplacement attendu.
L’empreinte a été faite par un corps, qui a fait office de presse. Y a-t-il quelque chose à apprendre de cette empreinte ? Il faut remonter du résultat à la genèse. La densité de la marque s’explique par le temps de pression du corps sur le papier : 4 secondes, pour cette empreinte-ci. Au delà, trop imbibé d’encre, le papier se déchire. Les formes de l’empreinte s’expliquent par les reliefs du corps et le badigeonnage de l’encre sur certains de ces reliefs.
Quel est le message de l’empreinte ? Sans connaissance de la culture chinoise, il n’y a qu’un corps encré qui frappe, et le résultat de cette frappe se voit dans un papier imbibé d’encre. Il est juste possible de faire apparaître des différences dans des contours, des graduations sommaires. Oui, nous pouvons encore ajouter un autre motif de l’exclusion de l’œuvre « Structure de la phrase en français » par la Commission professionnelle de la maison des Artistes au regard de deux des champs d’application des arts graphiques et plastiques :
« Tableaux, peintures, collages, dessins entièrement exécutés à la main par l’artiste.. »
« ..Images destinées à transmettre un message visuel dans tous les domaines de la vie économique, sociale et culturelle.. créées par des artistes concepteurs »
Avec un corps utilisé comme une machine, nulle main, nulle création ne sont présentes. Cependant, comme nous sommes avant l’image, nous sommes introduit dans un lieu qui appelle une autre chose qui serait à venir. Quelque chose qui mobiliserait la main et la créativité. Cette empreinte noire ne figurerait-elle pas l’objet qui se dérobe à tout prédicat, à toute détermination ? Sommes-nous dans le dispositif de réflexion imaginé par Kant, où, l’objet se dérobant, sa beauté naitrait avec la réflexion d’un sujet par rapport à lui-même.
Cette empreinte noire n’est pas là comme dérobade à l’attribution de telle ou telle caractéristique. Elle a comme fonction d’introduire un excès de sens. Mais où est cet excès ? Magritte a nommé son tableau « Ceci n’est pas une pipe » et a peint une pipe particulièrement réaliste. Ici, le titre de l’œuvre dit « je suis une phrase », « je suis française », « je suis une structure », mais celle ou celui qui se tient devant cette œuvre n’y voit pas une voie de communication mais une juxtaposition de deux signalétiques culturelles qui sont étrangères l’une à l’autre. Il n’y a pas l’évidence rassurante de la pipe.
Cependant, si l’on fait la démarche de connaître la culture chinoise, la frappe d’un corps encré sur du papier amène une série de prédicats possibles : le noir, le féminin, l’enfance, l’illimité, le Ravin du Monde, la Norme du monde, la Vertu constante. Voici un poème de Lao Tseu qui les assemble dans un tout.
Connais le masculin,
Adhère au féminin.
Sois le Ravin du monde.
Quiconque est le Ravin du monde,
La vertu constante ne le quitte pas.
Il retrouve l'enfance.
Connais le blanc.
Adhère au noir.
Sois la norme du monde.
Quiconque est la norme du monde,
La vertu constante ne s'altère pas en lui.
Il retrouve l'illimité.
Adhère au féminin.
Sois le Ravin du monde.
Quiconque est le Ravin du monde,
La vertu constante ne le quitte pas.
Il retrouve l'enfance.
Connais le blanc.
Adhère au noir.
Sois la norme du monde.
Quiconque est la norme du monde,
La vertu constante ne s'altère pas en lui.
Il retrouve l'illimité.
Nous nous apercevons alors que l’empreinte noire est un lieu où se rencontrent les opposés. C’est le pivot neutre qui suggère les équivalences. C’est l’enceinte des retrouvailles et du conflit. Là où Proust se plaint de l’étrangeté du corps, Lao Tseu célèbre et le masculin et le féminin. Là où Proust se plaint de la limitation et de l’altération, Lao Tseu est confiant dans l’illimité et la constance de la vertu. L’empreinte du corps muet les accueille et laisse parler tous les deux, sans les interrompre, afin que se construise la ronde de toutes les déterminations possibles.
Donc, par principe, l’œuvre artistique ne peut se réduire à la subversion d’une unique culture. Elle ne devient artiste qu’en aménageant en elle un moteur de rapprochement et de mises en différence entre deux cultures, et plus encore. Dans toute œuvre d’art, il y a, pour lancer et pousser cette dynamique, l’empreinte d’un corps muet qui assure les passages et les équivalences : sans elle, pas de création, pas de main, pas de dialogue entre les cultures. Mais, souvent, personne ne la voit. Alors, pour la faire apparaître, je vais la nommer à la manière de Magritte : « ceci n’est pas le corps de l’artiste ».
Dont acte :
Francis Jacq, le 18 décembre 2013
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[1] http://forum.kob-one.com/post352438.html
[2] Selon Kant, un jugement déterminant est un jugement de connaissance, par lequel j'attribue à un objet un prédicat qui le détermine. Par exemple : « cette pipe est marron ». L’objet est reconfiguré par le prédicat. Si la pipe est marron, il ne sera plus possible de dire qu’elle est bleue.
Le jugement esthétique est un jugement réfléchissant, parce qu'il réfléchit comme un miroir le sentiment du sujet : quand je dis d'un objet « Comme il est beau », l’objet garde l’ensemble des qualités possibles. Cette indétermination de l’objet laisse également indéterminé le sujet, car il reste ouvert à tous les possibles. C’est pourquoi, non déterminé par telle ou telle connaissance, l’amateur de l’œuvre d’art découvre en lui la possibilité d’un choix libre,.
[3] ŒIL désigne, en termes de jardinage et de Botanique, un bouton, une petite excroissance qui paraît sur une tige ou sur une branche d'arbre, et qui annonce une feuille, une branche, un fruit. Il se dit particulièrement de l'endroit par où sort le petit bourgeon de la vigne et des arbres fruitiers.
1 commentaire:
Y a-t-il d'autres graphistes qui ont connu le même type de procédure ?
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